J’ai une relation amour-haine avec ma spontanéité.
D’ailleurs si vous me passez en entrevue un moment donné et que vous me demandez
de vous parler d’un de mes défauts, je vais vous sortir ça. Non seulement parce
que c’est différent et intéressant (au lieu du : « je suis trop perfectionniste,
je travaille trop fort pour que tout soit correct », des petites personnes
beiges d’administration), mais aussi parce que c’est très vrai! Je suis vraiment
fier de ma rapidité d’esprit, toujours avoir LA phrase qui tue, mais je sens que
le filtre commence à être de plus en plus troué. Je me surprends souvent à faire
des grimaces quand je vois quelque chose qui ne me plaît pas (ne nous le cachons
pas, c’est souvent quelqu’un qui ne
me plaît pas), et j’ai de plus en plus de difficultés à retenir mes mots, ce
qui, on s’entend, pourrait me causer des problèmes…
Le premier signe de faille s’est produit au cégep, alors
qu’on était en classe, à travailler tranquillement. C’était plutôt silencieux,
exception faite d’une fille qui parlait à son amie (pas mal tout le monde dans
la classe l’entendait). Elle avait une réputation de femme aux mœurs légères,
mais était tout de même très gentille. Précisons-le, parce que même les putes
peuvent être gentilles! D’ailleurs, elles le sont très souvent, mais ça, c’est
une autre histoire… D’une oreille, je prêtais attention à ce qu’elle disait, car
je suis incapable de ne pas écouter les conversations des gens. Elle discutait
d’un différend qu’elle avait eu avec un copain, ou une amie, ou quelqu’un
d’autre, et elle dit, fière d’elle et voulant s’affirmer : « Il/elle va voir que
je suis capable de mettre mes culottes! »
En une fraction de seconde, un énorme faisceau de lumière
illumina une phrase dans ma tête. Il n’y avait que ces mots dans mon cerveau,
plus rien n’existait. J’étais en transe, je ne pouvais plus fonctionner, je
devais évacuer cette idée…
« Il/elle va voir que je suis capable de mettre mes
culottes! »
« Oui, mais t’aimes ben mieux les enlever! »