Premier signe de faille du filtre

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 J’ai une relation amour-haine avec ma spontanéité. D’ailleurs si vous me passez en entrevue un moment donné et que vous me demandez de vous parler d’un de mes défauts, je vais vous sortir ça. Non seulement parce que c’est différent et intéressant (au lieu du : « je suis trop perfectionniste, je travaille trop fort pour que tout soit correct », des petites personnes beiges d’administration), mais aussi parce que c’est très vrai! Je suis vraiment fier de ma rapidité d’esprit, toujours avoir LA phrase qui tue, mais je sens que le filtre commence à être de plus en plus troué. Je me surprends souvent à faire des grimaces quand je vois quelque chose qui ne me plaît pas (ne nous le cachons pas, c’est souvent quelqu’un qui ne me plaît pas), et j’ai de plus en plus de difficultés à retenir mes mots, ce qui, on s’entend, pourrait me causer des problèmes…

 Le premier signe de faille s’est produit au cégep, alors qu’on était en classe, à travailler tranquillement. C’était plutôt silencieux, exception faite d’une fille qui parlait à son amie (pas mal tout le monde dans la classe l’entendait). Elle avait une réputation de femme aux mœurs légères, mais était tout de même très gentille. Précisons-le, parce que même les putes peuvent être gentilles!  D’ailleurs, elles le sont très souvent, mais ça, c’est une autre histoire… D’une oreille, je prêtais attention à ce qu’elle disait, car je suis incapable de ne pas écouter les conversations des gens. Elle discutait d’un différend qu’elle avait eu avec un copain, ou une amie, ou quelqu’un d’autre, et elle dit, fière d’elle et voulant s’affirmer : « Il/elle va voir que je suis capable de mettre mes culottes! »

 En une fraction de seconde, un énorme faisceau de lumière illumina une phrase dans ma tête. Il n’y avait que ces mots dans mon cerveau, plus rien n’existait. J’étais en transe, je ne pouvais plus fonctionner, je devais évacuer cette idée…

« Il/elle va voir que je suis capable de mettre mes culottes! »
« Oui, mais t’aimes ben mieux les enlever! »

 La classe au complet pouffa de rire. Elle aussi d’ailleurs. « Oui c’est vrai, dit-elle avec un sourire. » Ce fut le début de notre relation, nous avons maintenant deux enfants, dont un conçu cet après-midi-là…

 Ben non!

 Elle répondit « oui c’est vrai », pendant que les autres continuaient de rire, et je repris conscience de mes esprits, comme si je venais de me réveiller. Je m’excusai légèrement et me remis au travail. En tant que tel, ce n’est pas si drôle que ça là, c’est le genre de blague « qu’il fallait être là », mais je crois, après une analyse bien poussée de quinze secondes, que c’est à ce moment-là que le filtre fut perforé pour la première fois…

 Depuis ce jour, je ris en pleine face de gens lorsqu’ils me disent quelque chose de sérieux que je crois être une blague, j’ai l’air de sentir des flatulences nauséabondes lorsque je vois des gens non esthétiques ou lorsque j’entends des stupidités, je blesse probablement un tas de gens avec d’excellentes blagues… La seule consolation dans tout cela, c’est que je suis encore capable de retenir mes insultes ou mes cris primaux. Le combat contre la maladie mentale est gagné pour le moment, mais pas la guerre…


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