Le dur choix entre l'hypothermie et l'asphyxie
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En fin de semaine passée, j’ai
emmené l’héritier à son premier spectacle de musique. Le seul hic c’est que
l’événement était à Montréal, nous avons donc dû nous rendre à la métropole. La
délégation montréalaise nous a accueillis dans son humble demeure le vendredi
soir (je devais me déplacer chez un ami pour le samedi alors que l’héritier
restait là pour la fin de semaine).
À notre arrivée, j’avais un
joli matelas gonflable avec mon nom dessus qui m’attendait. Matelas qui était
apparu chez la délégation et qu’ils, sa coloc et lui, avaient conservé. Une
amie l’avait oublié là, je crois. J’envisageais donc une belle nuit à ne pas
dépasser de partout sur le divan.
Dernier élément important à
l’histoire, vivant dans un logement mal isolé, ils ont, pratiquement, cessé de
chauffer, car leurs factures d’électricité explosaient. L’air ambiant est donc
relativement glacé.
Nous arrivons, et procédons au
gonflage du matelas. Une information importante m’est transmise; la rumeur veut
qu’il aurait un petit trou quelque part et qu’il se dégonfle. Toutefois, ça me
semble peu apparent, et, ayant confiance en mon absence de poids, je me dis que
dans le fond c’est pas grave.
La soirée s’articule de
manière mouvementée. L’appartement est plein, car la délégation sort dans un
bar avec des amis et organise donc une séance de « pré-drink ». Je ne
m’attarderai pas sur les détails, par respect envers tous les partis concernés,
mais vous avez une idée de mon appréciation globale de ces pratiques.
Viens le temps de me coucher.
Je m’exécute une bonne demi-heure avant le départ de tout ce beau monde.
Dernier petit coup de pompe sur le matelas pour le raffermir, car
effectivement, il a développé une certaine mollesse qui était absente lors de
mon arrivée. Je retire mon pantalon et me couche, en boxer et en t-shirt, rien
d’anormal.
Quelques heures plus tard,
vers trois heures du matin, je me réveille en grelottant. Mais de gros grelots
là. J’ai le shake sans bon sens. Je suis gelé jusqu’à la moelle. Oui, il n’y a
pas de chauffage, mais j’ai pourtant deux couvertures sur moi. C’est à ce
moment que je me rends compte que j’ai froid au dos…
Car voyez-vous, le matelas a
été gonflé avec l’air ambiant.
Air ambiant frigorifié.
Au fond, je suis couché sur un
bloc de glace.
Me rendant compte que le
problème vient d’en dessous et non d’en dessus, je plie mes couvertures sous
moi, pour essayer de simuler un sac de couchage. Rien à faire. Je reste ainsi
une quinzaine de minutes et j’entends la délégation revenir de sa sortie. Je me
lève et je vais chercher une couverture qui était restée sur le divan. Je tente
de bonifier mon cocon, sans grand résultat. Après quelques minutes, je me
rhabille. Je suis donc en jeans avec mon coton ouaté, enveloppé dans trois
couvertures, sur un matelas congelé, et je grelotte comme un Africain au pôle
Nord. Dix minutes de plus, rien de fonctionne, je me lève à nouveau et je vais
demander à la délégation, qui était en train de faire du ménage, s’il a
d’autres couvertures, que je suis sur le bord de me transformer en Walt Disney.
Il m’offre deux draps de plus, qui s’ajoutent à mon rouleau de printemps. Ma
respiration est tellement saccadée que je suis incapable de m’endormir, même si
la température semble être plus vivable.
Je me rappelle alors
l’histoire qu’une amie m’avait contée jadis, sur sa mère qui, lorsque mon amie
était incapable de s’endormir, lui disait de remonter sa couverture au-dessus
de son nez. Elle disait que ça l’aiderait à mieux dormir.
Étant passé le stade de
non-retour en termes de désespoir, je me dis qu’un peu d’empoisonnement au gaz
carbonique me ferait sûrement du bien. Je remonte donc ma couverture et
attends. Tranquillement, je sens mon esprit partir, commencer à penser au
récent remaniement ministériel, à la roue à trois boutons de Sam Hamad, et je
me dis « ah ça fonctionne », ce qui me ramène malheureusement sur mon
iceberg. Je me reprends à deux reprises avant de finalement m’endormir.
Vers huit heures, je me
réveille, enfoncé dans le matelas, qui a, bien entendu, dégonflé durant la
nuit. Je réveille l’héritier et lui fais comprendre que j’ai un désir pressant
de sacrer mon camp de là. Nous allons déjeuner au McDo, où je lui raconte cette
péripétie. Malgré le fait qu’il tente d’exercer un minimum de compassion, il la
trouve bien drôle et rit un peu trop à mon goût. Je m’arrête un moment et,
fidèle à mon habitude, me dit que je devrais prendre des notes pour en faire un
billet ici, même si je suis encore amer et je crois avoir encore froid une
semaine plus tard.
Et le pire dans tout ça, j’ai
demandé à l’héritier de prendre une photo du matelas en après-midi, alors que
j’étais parti. Il en a pris une, me l’a montrée au spectacle, mais pour des
raisons technologiques mystérieuses, elle est disparue de son cellulaire. Alors
voici, en guise d’illustration, une dramatisation photographique de ce que je m’imaginais, couché sur ce matelas de merde.